Chaque semaine quasiment, nous entendons parler d’attaques cyber en France. L’attaque la plus redoutée étant: le ransomware ou rançongiciel en français.
Des hôpitaux et universités sont les plus souvent touchés. L’exemple du centre hospitalier de Corbeille-Essonnes est l’un des plus parlant. Attaque d’ailleurs revendiquée par le groupe Lockbit sur son site du Darknet.
Mais alors, pourquoi développer un ransomware ?
Dans cet article, je vais vous donner les raisons qui m’ont poussé à développer un ransomware. Peut-être que vous avez été attiré par cet article par pure curiosité. Une chose est sûre, vous aller en sortir vous aussi avec une envie de développer votre propre ransomware.
Mais avant de vous convaincre, définissons ce qu’est un ransomware.
Un ransomware : quésaco?
Un ransomware est un type de programme malveillant (malware) spécifique. Son objectif est de rendre inexploitables les données d’une machine en les chiffrant. Une fois ces données chiffrées, l’attaquant réclame une rançon afin de faire parvenir la clé de déchiffrement à la victime.
En termes de sécurité, les services impactés sont : l’intégrité et la disponibilité.
Il existe plusieurs autres types de malwares dont les backdoor, les stealers, les rootkit…
L’histoire des ransomwares
Mille neuf cent quatre-vingt-neuf (1989). C’est l’année où on estime qu’a eu lieu la première cyberattaque par ransomware.
Pour rappel, un logiciel malveillant qui chiffre les données d’une machine le rendant inutilisable et demande une rançon afin de de débloquer.
Cette première attaque a utilisé un cheval de Troie et a visé environ 90 pays et s’est propagée à travers des disquettes (environ 20 000 disquettes). Elle a eu un impact assez limité du fait de la faible interconnectivité des ordinateurs à l’époque. De plus, les ordinateurs étaient encore des outils destinés aux experts scientifiques et technologiques.
Entre temps, les technologies informatiques ont évolué et l’usage des ordinateurs s’est démocratisé. Les ordinateurs sont un élément incontournables des systèmes d’information des entreprises. De plus, avec l’importance qu’a pris internet, les ordinateurs et mobiles sont de plus en plus interconnectés.
Ce changement de paradigme a entraîné une évolution des types de ransomwares ou rançongiciels en français. Ceux-ci sont de plus en plus complexes et ont des impacts dévastateurs pour leurs victimes.
C’est autour des années 2005 qu’a été repérée une première vague d’attaques. Elle était dissimulée sous l’apparence de logiciels légitimes tels que les programmes d’optimisation et de nettoyage de disques. Ensuite nous avons eu les faux anti-virus puis les locker et sa variante la plus connue, CryptoLocker en 2012.
Les attaques par ransomware peuvent avoir des impacts financiers très importants. En 2017, Wannacry paralysait des entreprises et administrations. En quelques heures, il a infecté environ 300 000 ordinateurs et a réclamé une rançon de 300 dollars chacun.
De plus, ces attaques rentrent de plus en plus dans des contextes de cyber guerres avec les Advanced Persistent Threat (APT). Ceux-ci sont parfois soutenus par des états. Leur but étant de déstabiliser les infrastructures clés d’un pays ennemi. On remarque donc une tendance à la structuration des cybercriminels comme des organisations classiques.
Pourquoi développer un ransomware
C’est normalement à ce moment du blog que je passe aux aveux et avoue ma secrète et sombre envie de nuire aux autres. Mon envie d’extorquer de l’argent aux entreprises et aux particuliers en leur réclamant une belle rançon. Rançon, qui d’ailleurs devrait être versée sur mon compte caché au Panama.
Mais la raison est plus simple que cela et se résume en un mot : « la curiosité ». Cette curiosité a trois (3) principales raisons qui sont les suivantes et que je détaillerai plus bas :
- La compréhension des programmes malveillants
- Les mécanismes de contournement des outils de détection ou techniques d’obfuscation
- Les contre-mesures et outils de détection et d’éradication
Développons chacune de ces raisons afin que vous compreniez mieux les motivations derrière chaque raison. Mon objectif est double. Non seulement je veux vous faire comprendre mais également vous convaincre d’en faire autant. Si vous débutez en cyber, cela peut vous guider quant aux projets à réaliser.
En plus de ces trois (3) raisons, j’ajouterai que la connaissance des malwares en cyber est une compétence clé. Elle ouvre la porte à plusieurs types de métiers notamment ceux d’analystes.
Nous aborderons certains de ces métiers vers la fin l’article.
Compréhension des programmes malveillants
Nous avons tous déjà entendu la citation suivante « Practice makes perfect ». Autrement dit, c’est en s’exerçant que l’on devient meilleur. C’est donc la première raison pour laquelle j’ai développé un ransomware, c’est-à-dire “pratiquer”.
Et bien que l’on sache globalement ce qu’est un virus, un malware ou un ransomware, en développer un est une autre histoire. Le fait d’en développer permet de réaliser à quel point cela peut s’avérer être un exercice complexe. Surtout lorsqu’on souhaite avoir un programme sophistiqué, capable d’échapper à quelques antivirus.
C’est donc pour cela que lorsque cette idée de projet nous a été soumise dans un cours de hacking, j’ai sauté dessus avec mon collègue Corentin V.
Techniques d’obfuscation
Comme nous allons le voir dans les prochains blogs, la question de l’obfuscation est arrivée très rapidement dans le développement du ransomware.
Pour rappel, l’obfuscation est le fait de complexifier la compréhension du comportement d’un programme par la simple lecture du code.
Nous nous sommes rendu compte d’une chose une fois la première version du ransomware développée. En effet, elle était facilement détectée comme virus par l’antivirus de windows. Cependant, nous avons tout de même constaté qu’environ 87 % des antivirus (de VirusTotal) ne le détectaient pas systématiquement.
Ainsi, la compréhension des techniques d’obfuscation est primordiale. D’autant plus lorsque nous souhaitons travailler dans un contexte de détection, confinement et d’éradication des malwares.
En effet, les attaquants vont essayer de cacher le comportement de leur programme malveillant afin de passer les outils tels que les antivirus.
La compréhension de ces techniques nous permet donc de développer des contre-mesures et outils afin de détecter ces malwares.
Techniques de détection et d’éradication
Comme énoncé plus haut, développer un ransomware nous permet d’en apprendre davantage sur les outils de détection. Cela nous pousse à nous renseigner sur comment fonctionnent ces outils afin de les contourner.
Dans les articles de blog à venir, nous parlerons aussi de ces outils. Surtout des techniques utilisées pour détecter un programme malveillant notamment les analyses statiques et dynamiques de programmes.
En effet, lorsqu’on développe des outils de détection et de prévention des malwares, on se base sur deux choses :
- Leur structure
- Leur comportement
La compréhension ou connaissance de la structure permet de déterminer si le programme est malveillant ou pas.
Cela est souvent fait à travers l’analyse statique qui consiste à analyser le code sans l’exécuter. Ghidra est par exemple un outil d’analyse statique très connu, développé par la NSA (Agence Nationale de Sécurité).
Par moment, la seule lecture du code ne suffit pas à bien en comprendre les effets sur la machine. Dans ces cas, en plus de l’analyse statique, la compréhension du comportement d’un programme devient indispensable. Cela va nous permettre de savoir si ce programme est malveillant ou pas.
Ainsi, on réalise une analyse dynamique du binaire. Cette analyse se fait en exécutant le programme. Pour cela, on utilise un débogueur et on inspecte instruction par instruction le comportement du programme.
Bien souvent, cela se fait dans un environnement isolé. Nous avons par exemple des débogueurs connus tels que : Immunity Debugger et WinDbg.
Les métiers autour des malwares
Il existe plusieurs types de métiers cyber où on traite de malwares. Cela va de leur développement au développement des outils permettant de les contrer, aux métiers visant à comprendre leur fonctionnement.
Dans cette partie je vais m’attarder sur les métiers d’analystes de programmes malveillants. C’est ce qu’on appelle le “reverse engineering”. J’évoquerai aussi les métiers du développement des outils de protection contre les malwares.
Commençons par le reverse engineering. Cela nécessiterait un article en entier mais globalement, le reverse engineering ou en français « rétro-ingénierie » consiste à étudier un objet (un programme malveillant dans notre cas ) et à en comprendre le comportement.
On qualifie d’ “analystes” les personnes dont le rôle est d’analyser le binaire. Les analyses bien souvent ne disposant pas du code source, doivent analyser les binaires.
Pour cela, ils commencent par « désassembler » le binaire, c’est-à-dire retrouver le code assembleur à partir du binaire. Ils utilisent des outils dont nous avons parlé plus haut d’analyses statique et dynamique.
Nous comprenons donc que pour ce métier, il faut non seulement avoir des compétences en programmation mais également maîtriser l’assembleur. L’assembleur étant un langage bas niveau manipulant directement les instructions CPU et la mémoire physique.
L’autre type de métier sur lequel je voulais mettre la lumière est celui de concepteur de solutions de protection contre les malwares.
J’ai bien utilisé le terme “concepteur” car théoriquement, il n’est pas obligatoire de savoir développer pour concevoir une solution de protection.
Connaissant les techniques utilisées par les attaquants pour rendre difficilement détectables leurs programmes, nous pouvons concevoir des outils de détection. Savoir programmer reste tout de même une condition importante.
En effet, dans les faits, savoir développer est bien souvent requis pour ces métiers. Il serait dommage de développer des solutions de protection qui sont elles-mêmes vulnérables et donc ne serait pas d’une grande utilité à ses clients.
Il existe d’autres métiers pouvant être reliés aux malwares de près ou de loin. Les métiers d’analystes SOC (Security Operation Center) et de forensique en sont un exemple. Nous ne nous attarderons pas dessus dans cet article.
En somme, vous aurez compris que les raisons pour lesquelles j’ai développé un ransomware sont surtout d’ordre pédagogique. Le fait de développer un ransomware représente donc l’occasion d’apprendre sur tout un pan de la cyber que nous allons découvrir peu à peu dans les articles à venir.
N’hésitez pas à me dire en commentaire ce que vous pensez de la démarche. Quels autres projets jugez vous intéressants pour apprendre sur les malwares ?
Continuez en lisant comment développer un ransomware avec l’exemple de AIDS Trojan.
Super article, hâte d’en savoir plus sur les métiers de la cyber 🙂
Merci et j’écrirai un article dessus après ma série sur les ransomwares.